À quelques jours des Mondiaux en Chine (21-23 mars en Chine), Mamadou Fall Sarr 27 ans, sprinter sénégalais (60m, 100m et 200m) en pleine ascension, revient sur sa qualification, son parcours semé d’embûches et ses ambitions. Dans cet entretien, il se confie également sur le manque de reconnaissance des autorités et les défis liés aux infrastructures sportives au Sénégal.
Vous êtes actuellement au Sénégal. Comment se passe votre préparation ?
Je suis venu avec mon coach, Henri Laval. C’est ma deuxième semaine de préparation, puis je vais rentrer en France pour continuer le travail et être prêt pour la Chine.
Vous vous êtes fixé comme objectif de vous qualifier dès le début de la saison. Comment avez-vous vécu cette course décisive au meeting de Miramas ?
Dès le début de la saison, on s’est fixé l’objectif de qualification. Même si je ne réalisais pas les minima, en étant le seul représentant de mon pays, je pouvais y aller. Je sentais une bonne forme, de la progression, j’étais prêt, donc j’ai réussi cette course.
Lors de votre qualification, vous faisiez face à de sérieux concurrents. Comment avez-vous abordé cette compétition ?
Au début des séries, j’étais derrière avec un Japonais avec qui j’étais en compétition à Nantes et j’avais gagné. Je n’étais pas le favori lors de ce meeting parce qu’il y avait le Champion d’Europe et d’autres athlètes qui étaient têtes d’affiche. Mais comme je l’ai dit, je me sentais bien et je savais que je pouvais faire plus. Mais le plus important, c’est que j’ai remporté cette course et battu mon record et celui national.
Revenons sur votre parcours. Comment êtes-vous arrivé à l’athlétisme ?
J’ai commencé l’athlétisme à Kaolack, à l’abattoir de Ndangane. J’ai fait mes débuts au stade Lamine Gueye, formé par Pape Mbaye Diallo et Lamine Camara. Je devais rester là-bas pour poursuivre mes études. Mais après le décès de ma mère en 2016, je suis venu à Dakar et j’ai rejoint l’AS Douanes avec l’actuel DTN, Pape Serigne Diène.
J’ai battu mon record dès ma première année, avec un temps de 10’50 en junior. Ensuite, j’ai participé aux Championnats d’Afrique Juniors, où j’ai été finaliste sur 100m et demi-finaliste sur 200m. C’est après cette période que je suis parti en France. Mais la première année à Metz a été difficile à cause du Covid-19 et des contraintes financières. Heureusement, je suis une personne résiliente et déterminée. Aujourd’hui, cela fait quatre ans que je suis à Cognac Athletic Club et avec mon coach, tout se passe très bien. Nous travaillons pour de grands projets.
“J’ai toujours vu les choses en grand”
Vous êtes en train d’écrire votre propre histoire, mais avez-vous eu des idoles qui vous ont inspiré ?
J’ai toujours vu les choses en grand, faire comme Usain Bolt, par exemple… Mais je n’ai jamais eu d’idole. Selon moi, tout s’accomplit avec du travail, de la détermination et de l’abnégation. Donc je reste concentré sur le travail.
Les Mondiaux en salle Chine marqueront votre première participation à une compétition internationale. Quels sont vos objectifs ?
Ce sera ma première participation au niveau international. Mon premier objectif est d’aller en finale. Une fois à ce stade, rien n’est impossible. Je ferai tout pour décrocher une médaille.
Avec votre qualification, avez-vous reçu un soutien des autorités sportives sénégalaises pour votre préparation ?
Je n’ai pas reçu un message d’encouragement de l’État. En dehors des journalistes ou de ma fédération, rien de ceux qui gèrent le sport. J’avoue que c’est une honte pour moi de dire que je n’ai pas reçu d’aide, contrairement aux athlètes avec qui je rivalise et qui ne font pas mes performances. En dehors de l’aide, je parle de la reconnaissance, des encouragements, qui sont selon moi encore plus importants pour motiver un athlète.
L’actualité de l’athlétisme, c’est aujourd’hui les difficultés liées aux infrastructures au Sénégal. Que pouvez-vous nous dire dessus ?
Les athlètes ont besoin de courir sur une piste en bon état pour progresser. Le problème, c’est que notre seule piste actuellement à Diamniadio n’est pas bonne, n’est pas lisse, elle a des crevasses bien visibles. C’est un vrai frein à la performance.
Quel est l’impact sur les athlètes, la performance ?
Si les athlètes s’entraînent mais ne courent pas en compétition, cela n’a pas de sens. C’est en compétition qu’on peut se jauger et noter sa progression. Le manque ou l’inaccessibilité des infrastructures ne contribue pas à la performance. On parle souvent des athlètes, mais cette situation pénalise aussi les techniciens. Pourtant, en Afrique de l’Ouest, le Sénégal a les meilleurs cadres en athlétisme.
Vous avez été également été confronté à des restrictions d’accès aux terrains d’entraînement à Diamniadio. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est paradoxal qu’on nous dise que le terrain annexe est pour l’athlétisme et qu’au final, on se rende compte que ce n’est pas le cas. L’année dernière, j’y suis allé pour m’entraîner, mais il y avait une équipe de football sur place. On m’a retenu à la porte.
Quand je suis en France, qui n’est pas mon pays, je n’ai pas de contrainte pour accéder à la piste. Pourtant, en compétition, je ne porte pas les couleurs de la France, mais celles du Sénégal. Même à Diamniadio, sur la piste, on peut tout faire, mais pas sur la pelouse. En vrai, ce n’est pas notre terrain, ni notre piste. Il y a une certaine discrimination.
Avec toutes ces difficultés, où puisez-vous votre motivation ?
Je reste concentré sur mon objectif. Mon rêve est d’élever le drapeau du Sénégal au plus haut niveau. Rien ne m’arrêtera dans cette quête.
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