En 2018, la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) et l’équipementier allemand PUMA scellaient un partenariat ambitieux, destiné à propulser les Lions de la Téranga sur le devant de la scène footballistique internationale. Cette union mettait ainsi fin au cauchemars sénégalais en matière d’équipement sportif.
Cet accord qui a été annoncé pour une durée de cinq ans (2018-2022), combinant soutien financier, matériel et primes de performance, avait marqué une étape clé pour le Sénégal, alors en pleine ascension sportive. Toutefois, derrière les engagements affichés se cachent des réalités économiques et stratégiques qui méritent un regard beaucoup plus profond.
D’un point de vue financier, PUMA s’était engagé à verser à la FSF un total de 1,08 milliard de francs CFA (environ 1,65 million d’euros) sur cinq ans. Ce montant, réparti en trois tranches, incluait 195,5 millions de FCFA en 2018 et 2019, puis 229,25 millions annuels jusqu’en 2022. À cela s’ajoutait une prime de 131 millions de FCFA, qualifiée de « ticket d’entrée », octroyée dès la qualification du Sénégal pour la Coupe du Monde 2018.
Des primes supplémentaires étaient prévues en fonction des performances : jusqu’à 655 millions de FCFA pour un titre mondial, ou 131 millions en cas de victoire en Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Si ces chiffres semblaient prometteurs, ils restaient conditionnés aux résultats sportifs – un pari risqué, comme l’a montré l’élimination précoce des Lions lors du Mondial 2018, privant la FSF de revenus substantiels.
Sur le plan matériel, Il était prévu que PUMA mette à disposition des équipes nationales sénégalaises des équipements d’une valeur annuelle moyenne de 294 millions de FCFA, soit 1,47 milliard sur cinq ans. Toutefois, il a été noté à plusieurs reprises que les sélections nationales (féminine, cadette ou locale) ont eu à jouer avec des maillots antérieurs à ceux de la sélection A masculine. Par ailleurs, la FSF bénéficiait de 10% de royalties sur les ventes de produits dérivés commercialisés par PUMA, une clause offrant un potentiel de revenus complémentaires, mais tributaire de la stratégie marketing de la marque.
Loin de la réalité du marché dans les autres continents
Or, le marché du merchandising des équipes africaines, bien qu’en croissance, peine à rivaliser avec celui des géants européens ou sud-américains, limitant ainsi l’impact de cette disposition. Au Sénégal, la boutique officielle de la FSF n’a même pas encore fêté son premier anniversaire. Bien que, occasionnellement, l’instance a essayé de vendre des maillots lors des événements marquants notamment en lien avec la sélection A. Encore, le prix de vente des maillots (initialement fixé à 45.000 FCFA l’unité) constitue un réel obstacle pour la FSF. Une réalité sociale qui avait d’ailleurs poussé l’instance a vendre les maillots lors de sa dernière campagne à 25.000 FCFA l’unité.
Si le partenariat a incontestablement offert une stabilité financière et logistique, ses limites sautent aux yeux lorsqu’on le compare aux contrats signés par d’autres nations. La France, par exemple, perçoit annuellement 50 millions d’euros de Nike, soit près de 33 milliards de FCFA par an – un montant astronomique face aux 0,33 million d’euros annuels versés au Sénégal. Même le Portugal, pourtant moins titré, bénéficie d’un accord avec Nike estimé entre 10 et 15 millions d’euros par an. Ces écarts reflètent non seulement des disparités économiques, mais aussi un déséquilibre dans la valorisation des sélections africaines, malgré leur essor récent. Le Sénégal, champion d’Afrique en 2022 et régulièrement qualifié pour les Coupes du Monde sans compter la pléthore de stars que regorge sa sélection, illustre pourtant le potentiel commercial et sportif du continent.
Au-delà des chiffres, cet accord initial entre les deux parties souffrait de lacunes structurelles. Les versements étalés sur cinq ans, bien que réguliers, restent modestes pour financer des projets d’envergure, comme le développement d’infrastructures ou de centres de formation. En outre, la dépendance aux primes conditionnelles – versées uniquement en cas de succès en phase finale des tournois – expose la FSF à une précarité budgétaire en cas de contre-performance sportive. Alors que ce partenariat devait prendre fin en 2022, le président de la FSF, Me Augustin Senghor avait annoncé le renouvellement du bail en décembre 2021, mais sans donner plus de détails sur les nouveaux termes, malgré l’évolution du marché.
Mieux tirer profit de l’image des Lions
Porté par des stars mondiales comme Sadio Mané et une victoire en CAN 2022, le Sénégal dispose d’une cote médiatique inédite. Pour en tirer profit, la FSF pourrait exiger des garanties financières plus solides, intégrant des versements fixes accrus et une réduction de la part des primes aléatoires. Des investissements ciblés dans les infrastructures locales, absents du contrat initial, devraient également figurer parmi les priorités. Enfin, une meilleure rémunération de l’image des Lions, via une hausse des royalties ou un soutien marketing renforcé, permettrait de capitaliser sur leur notoriété grandissante. Mais, aujourd’hui, on est loin de connaître les détails du partenariat entre l’équipementier allemand et la Fédération Sénégalaise de Football.
En somme, le partenariat Sénégal-PUMA a posé les bases d’une collaboration stratégique, mais il révèle les défis persistants du football sénégalais dans un écosystème mondial très inégal. Si PUMA a offert un cadre nécessaire pour accompagner l’ascension des Lions, l’avenir dépendra de la capacité de la FSF à transformer ses succès sportifs en leviers économiques.
Sans une renégociation audacieuse, alignée sur le potentiel croissant du Sénégal, le risque est de passer à côté de ressources dont le Sénégal a besoin et de voir d’autres nations du continent, mieux armées contractuellement, prendre le relais. L’enjeu dépasse le terrain : il s’agit de redéfinir la place de l’Afrique dans l’économie globale du football.
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