Après deux saisons mouvementées en Tunisie, Makhmouth Diallo fait son retour au Sénégal. Entre blessures, tensions internes et retards de salaire, le milieu de terrain a vécu une période compliquée. Aujourd’hui à Guédiawaye FC, il veut retrouver son niveau, aider son club à décrocher son premier trophée et gagner sa place pour le prochain Championnat d’Afrique des nations (CHAN), prévu en août.
Entretien.
Pourquoi as-tu décidé de retourner au Sénégal après deux années passées en Tunisie ?
Au début, tout semblait bien se passer, mais avec le temps, j’ai commencé à réaliser la complexité de la situation, surtout avec le Stade Tunisien. À un moment donné, j’ai souffert d’une blessure très douloureuse. Pourtant, après plusieurs examens médicaux, aucun problème n’a été détecté. Certains ont même cru que je simulais, alors que ce n’était pas du tout le cas. À cela s’ajoutaient des retards de salaire. Parfois, nous passions deux à trois mois sans être payés, ce qui a créé beaucoup de tensions. Quand j’ai osé réclamer ce qui me revenait, on m’a progressivement écarté de l’équipe, jusqu’à me reléguer chez les jeunes. C’était inacceptable pour moi, car je savais que ce n’était pas ma place. J’ai alors demandé à rencontrer les dirigeants pour discuter de la situation. Après les échanges, nous avons finalement trouvé un accord, et ils ont accepté de me libérer. C’est ainsi que j’ai pu quitter la Tunisie.
Avant ton départ, as-tu reçu tout ton argent ?
Oui, mais pas en totalité. Leur politique, c’est que si tu romps ton contrat pour quitter le pays, tu dois laisser une partie de ton salaire, souvent la moitié. Si tu refuses, tu peux en payer le prix, jusqu’à être empêché de quitter le pays. Pour un footballeur, c’est inimaginable d’être privé de terrain. Ça m’est arrivé : je suis resté un moment sans jouer, et même sans pouvoir m’entraîner… rires…
Comment s’est passée ton expérience à l’AS Tataouine, ton premier club en Tunisie ?
C’était compliqué, surtout parce que c’est un club très éloigné, à la frontière avec la Libye. Mais sur le plan footballistique, c’était plus supportable, car il y avait moins de pression qu’au Stade Tunisien, qui est un grand club. Là-bas, tu es constamment sous pression. En termes de performances, je me suis vraiment révélé à Tataouine, lors de ma première année. C’est d’ailleurs grâce à mes performances que le Stade Tunisien m’a contacté et que j’ai fini par les rejoindre. Avec eux, j’ai remporté la Coupe de Tunisie, nous avons terminé deuxièmes du championnat et nous avons même disputé la Ligue des Champions africaine, où nous avons été éliminés en quart de finale.
Regrettes-tu d’avoir rejoint la Tunisie ?
Non, je ne dirais pas que j’ai des regrets. J’ai beaucoup appris surtout, j’ai acquis de l’expérience et certaines erreurs ne se reproduiront plus. Mais si une opportunité se présentait pour y retourner (rires), je prendrais le temps d’examiner tous les détails avant de me décider. La Tunisie a de grands clubs, je ne dis pas que ceux où j’ai joué ne le sont pas, mais la pression y est énorme, parfois au point de devenir un handicap.
Que réponds-tu à ceux qui disent que tu aurais pu avoir mieux que la Tunisie ?
À l’époque, je n’avais pas beaucoup de choix. J’étais jeune, et comme beaucoup, je voulais partir pour subvenir aux besoins de ma famille. Je ne regrette rien, c’était mon destin. Maintenant, je suis ici et je vais tout donner pour repartir sur de bonnes bases.
Qu’est-ce qui explique que tu aies été titularisé aussi rapidement après ton arrivée ?
C’est vrai que j’ai connu une période sans entraînement, mais depuis mon retour au Sénégal, j’ai travaillé avec mon coach personnel, Amath Touré. Grâce à lui, j’ai pu retrouver mon niveau en enchaînant les séances et les matchs d’entraînement. C’est ce qui explique ma forme actuelle. Je tiens aussi à remercier Guédiawaye FC, qui m’a tendu la main malgré mon manque de compétition. Le coach et les dirigeants m’ont mis à l’aise et m’ont ouvert les portes du club, ce qui m’a permis de revenir. L’intégration s’est bien passée, et dès mon deuxième match, j’ai été titularisé contre l’US Gorée (victoire 1-0).
Comment s’est déroulée la discussion pour que tu rejoignes Guédiawaye FC ?
Ils m’ont convaincu grâce à leur ambition. Cette année, nous voulons remporter la Coupe du Sénégal, et c’est un trophée dont je rêve depuis longtemps avec mon club de cœur. Ce défi m’a vraiment motivé. Sur le plan financier, Guédiawaye FC ne peut pas payer de grosses sommes, mais je ne suis pas venu pour l’argent. Mon objectif est d’aider mon club et de retrouver mon niveau pour, en fin de saison, repartir vers un nouveau défi.
Tu ne comptes donc pas rester longtemps au Sénégal ?
Honnêtement, non. Je prie pour avoir une belle saison et pouvoir partir à la fin de l’année (rires). Pour l’instant, je veux juste bien jouer, avoir du temps de jeu et être compétitif.
Quel est ton plus grand challenge cette saison ?
Remporter un trophée avec Guédiawaye FC. C’est une anomalie que le club n’ait pas encore gagné de titre, et nous sommes fatigués de cette situation. Cette année, j’espère que nous allons changer cela. Je tiens aussi à remercier nos supporters et les Ultras pour leur soutien inconditionnel.
Tu faisais partie des Lions locaux avant le CHAN remporté en Algérie. Regrettes-tu de ne pas avoir fait partie des champions ?
J’ai été en sélection avec Koto et Pape Thiaw (Ndlr : actuel sélectionneur des Lions A) et j’ai beaucoup appris à leurs côtés. Lors du dernier CHAN, je suivais l’équipe depuis la Tunisie, mais je n’ai aucun regret. C’était leur moment, et ils ont brillé. Mon objectif, c’est de revenir en équipe nationale et, pourquoi pas, disputer le prochain CHAN. Ce serait une immense fierté pour moi et ma famille.
Le CHAN fait-il partie des raisons de ton retour au Sénégal ?
Bien sûr. J’avais d’autres opportunités à l’étranger, mais j’ai préféré revenir au Sénégal pour être éligible et avoir la chance de jouer le Championnat d’Afrique des nations, afin de marquer l’histoire, aussi bien avec mon club qu’avec l’équipe nationale.
Es-tu en contact avec le coach de la sélection locale ?
On n’a plus de contact direct, mais il me suit à travers d’autres personnes. Il a été mon entraîneur à Guédiawaye et fait partie de ceux qui m’ont motivé. Maintenant, c’est à moi de performer pour mériter ma place en sélection.
Penses-tu qu’il sera facile d’intégrer la tanière, sachant que le coach a déjà une idée de son effectif ?
Non, ce ne sera pas facile. Mais c’est l’équipe nationale, donc rien n’est figé. Il faut être au top et prouver son talent. Si je suis performant, j’aurai ma chance, sinon j’attendrai mon moment.
Comment juges-tu la première partie de saison de Guédiawaye FC ?
Ce fut une période difficile. Marquer 14 buts et en encaisser autant, ce n’est pas évident. Heureusement, nous avions deux matchs en retard, et nos victoires contre le Jaraaf et l’US Gorée nous ont permis de nous relancer.
Y a-t-il une différence entre cette génération et la vôtre ?
Non, pas vraiment. À notre époque, nous étions aussi compétitifs, mais cette génération a su concrétiser les opportunités. Nous avions atteint la finale de la COSAFA, eux ont gagné le CHAN. Aujourd’hui, toutes nos sélections, des U17 à l’équipe A, remportent des titres. C’est notre moment, et il faut en profiter.
wiwsport.com propos recueillis par Anta Ndiaye