C’est avec une grande sympathie que Seydou Diouf, patron du handball sénégalais, s’est entretenu avec Wiwsport. Cette figure du sport sénégalais nous a fait part de son engagement auprès du monde sportif pour les réformes enclenchées par le nouveau régime, non sans manquer de nous faire l’état des lieux de sa discipline, le handball. La relève au sein des sélections, les infrastructures et la promotion, Seydou Diouf nous déroule toute sa vision.
Êtes-vous enthousiaste par rapport à la démarche du nouveau régime de réformer la charte du sport ?
Nous y allons avec beaucoup d’enthousiasme pour la simple raison que nous avons tous le même constat. Que les textes qui régissent le sport sénégalais ne sont pas en adéquation avec l’évolution du sport en général au Sénégal comme à travers le monde. Le sport sénégalais est régi jusqu’ici par la charte de 1984, mais entre-temps beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Un exemple patent avec la professionnalisation qui est intervenue.
La charte de 84 ne codifiait pas une professionnalisation avec l’arrivée des sociétés sportives, des contrats de joueurs professionnels puisqu’il n’existait pas à cette époque. L’autre aspect qui mérite d’être pris en compte c’est le domaine de la santé avec le phénomène du dopage dans le sport. Là également, il faut prendre les dispositions nécessaires en adéquation avec ce qui se fait au niveau mondial. C’est aussi la prolifération des centres de formation dans les différentes disciplines sportives et les salles de fitness qui se multiplient. Tout ceci doit être régi !
J’apprécie l’approche de Madame le ministre des Sports et j’ai accepté de faire partie du comité de pilotage parce que d’abord, il y a dix ans, j’étais là, lorsque le Comité Olympique mettait en place un groupe de travail sur les textes, sur un projet de code du sport. Moi-même j’avais coordonné la commission sur le financement du sport. Donc c’est tout naturellement que j’ai accepté la demande du Comité Olympique de figurer parmi les personnes qui composent le comité que Madame le Ministre a mis en place.
Fred Bougeant est parti d’un commun accord avec la Fédération, alors que retenez-vous du technicien ?
Je pense que lui-même l’a dit ! Fred Bougeant est un technicien que j’ai connu en 2015 alors que j’étais en France. J’avoue que j’ai été frappé par son envie d’être dans le projet Sénégal. À l’époque c’était juste à travers d’un déjeuner organisé par une de nos joueuses, Adja Mama Cissé qui jouait à Fleury, qui nous avait présentés. Elle m’avait fait part de sa volonté d’évoluer au sein d’une sélection africaine et que le Sénégal lui disait quelque chose. Après ce déjeuner, on s’accorde sur le projet, pas de conditions financières, il était prêt à venir accompagner le projet sénégalais. Je pense que tout le monde a vu le travail qu’il a abattu au sein de nos sélections le temps qu’il a été là.
Il est arrivé en 2015, en 2016 c’est notre première CAN où personne ne nous attendait et on arrive en finale. S’en est suivi le scandale Doungou Camara. À rappeler également que le groupe a été composé par Cheikh Seck qui a d’ailleurs qualifié le Sénégal à cette CAN. Lorsqu’il a été en Russie avec le club de Rostov et que les Russes lui ont dit qu’il ne pouvait pas coacher là-bas et être en même temps au Sénégal, il a choisi de revenir au Sénégal. Fred Bougeant est quelqu’un qui a beaucoup apporté au Sénégal, il nous a valu beaucoup de satisfaction, qui aime ce pays et qui se considère comme un Gaïndé. On s’est parlé et il m’a dit que : « Président, je pense qu’aujourd’hui, il y a d’anciens joueurs sénégalais qui sont sur des parcours de formation, qui commencent à entraîner en France dans le championnat, je pense que le Sénégal n’a plus besoin de moi ». Et donc on s’est séparés comme ça dans de très bons termes. Et c’est un homme pour lequel je garde d’excellents souvenirs.
Quel bilan tirez-vous de la saison avec notamment le championnat et les coupes nationales qui sont en cours ?
C’est vrai que nous déroulerons la saison avec le championnat notamment qui a déjà repris avec la phase retour, là on devrait assister à la deuxième journée. Mais il faut dire que nous rencontrons beaucoup de difficultés avec les équipes. Nous faisons face à beaucoup de difficultés avec les clubs sur le respect du calendrier. Il faut que les équipes comprennent que dans un championnat, les choses sont planifiées dans le temps. C’est vrai que nous ne sommes pas encore professionnels, mais les choses sont planifiées dans le temps tout de même. Mais parfois c’est compliqué avec les demandes de report et quand nous ne répondons pas à leur requête, ils nous font des procès d’intention.
Bref, il nous reste six journées de championnat à disputer et pendant ce temps, il y a la Coupe du Sénégal qui est en cours. Là nous sommes au niveau des huitièmes de finale ou bien les quarts de finale. Il y a aussi la deuxième division qui est en cours. Voilà, nous sommes dans une phase où nous avons plusieurs compétitions et c’est la fédération qui organise tout cela. Et parfois c’est très difficile, il faut que les clubs comprennent cela et fassent preuve de rigueur. Voilà donc toutes nos compétitions se déroulent bien et vous voyez que le handball fait son petit trou.
Le week-end, toutes les équipes de Dakar vont jouer à Rufisque, qu’est-ce qui est fait pour améliorer les infrastructures dédiées au handball dans le pays ?
Effectivement ! Mais c’est un mal pour un bien j’ai envie de dire. Pour la bonne et simple raison que cette situation s’explique par deux choses. La première chose est que le Stade Iba Mar Diop est fermé pour les travaux en vue des JOJ 2026. Jusque-là, Iba Mar était le temple du handball sénégalais, mais à ciel ouvert et sur du béton. Quand il pleuvait, on était obligé d’arrêter les matchs. Mais grâce à ces travaux, il y aura une salle dédiée à Iba Mar. Et je me suis battu pour que le COJOJ intègre cela dans le cahier des charges. Et donc le stadium va être transformé en salle fermée. Cela a toujours été un rêve, mais aujourd’hui, ce sera un legs pour les générations futures.
La deuxième raison est que, pour Guédiawaye où se jouaient les matchs, en point de bascule, la Fédération a prévu d’acquérir un nouveau tapis qui doit y être posé. Mais Guédiawaye aussi c’est assez spécial, car la gestion est municipale et donc l’autorisation d’utilisation de la salle se fait au niveau de la mairie. Or ce n’est pas toujours les pratiques sportives qui s’y déroulent. D’ailleurs, nous y avions déjà mis un tapis, mais aujourd’hui, nous étions obligés de l’enlever pour y mettre un nouveau. Les travaux sont donc en cours et presque terminés. Après il y aura le basket qui sera sur Guédiawaye, le handball, le volleyball, mais entre disciplines sportives, nous nous comprenons toujours. Il faudra juste éviter qu’on y fasse du “mbappat’’ ou autres activités qui n’ont rien à voir avec le sport.
On nous informe que le basket a prévu de réfectionner la toiture donc vous voyez que les fédérations font le maximum au niveau des infrastructures. Aujourd’hui, à Thiès, ce que le handball a fait au Stade Lat Dior, dépasse presque ce que l’État y a investi. Nous le faisons parce que autant l’État doit faire, les fédérations aussi doivent apporter de leurs contributions. Donc en gros, voilà les raisons pour lesquelles nous jouons à Rufisque. Mais aussi Rufisque est une terre de handball il faut le rappeler d’ailleurs, moi le président je suis de cette ville (Rires).
Quelles sont les principales sources de financement de la fédération et comment gérez-vous les budgets ?
Il faut dire que dernièrement la majeure partie du budget de fonctionnement du handball sénégalais émanait des performances de la sélection féminine. Avec les retombées nous arrivons à faire beaucoup de choses avec notamment le championnat. Mais, il faut dire qu’avec ma position et bien sûr avec le mécénat, nous arrivons à joindre les bouts. Cela est du ressort de mon implication personnelle. Mais aujourd’hui, il faut le reconnaître, c’est la structure même du budget de l’État qui fait que nous nous retrouvons dans cette situation. Parce que tant que nous avons le budget du ministère des Sports orienté vers le financement des équipes nationales, le financement des compétitions internationales et une infime part orientée vers la promotion des sports à la base, il n’y a pas de marge de manœuvre pour signer des contrats d’objectifs et mettre des moyens à la disposition des fédérations sportives.
Heureusement qu’avec le Fonds National de Développement qui se profile, il est prévu la signature de convention de contrats d’objectifs entre le ministère et les fédérations nationales. Où l’on dira : « Voilà les objectifs qu’il faudra atteindre et voilà les moyens qui seront mis en place… ». Et au bout de la chaîne, un mécanisme de contrôle de transparence de l’utilisation de ces fonds et l’atteinte des objectifs assignés. Mais aujourd’hui, il est clair que beaucoup de fédérations sportives sont dans d’énormes difficultés pour financer leurs activités. En dehors du football et dans une moindre mesure le Basket, les fédérations broient du noir, je vous le dis.
Votre mot de la fin Président Seydou Diouf ?
Comme dernier mot je dirai que dans l’unité et dans l’apaisement des cœurs, nous pourrons réaliser de grandes choses et même sans beaucoup de moyens. À défaut, nous pouvons avoir 14 milliards de budget pour le handball, si les cœurs ne sont pas unis, nous ne réussirons pas ? Car c’est grâce à la bonne qualité des relations humaines que nous ferons de grandes choses. Par ailleurs, je voudrais remercier le travail de Wiwsport que je vois accompagner le handball. Cela se voit que vous suivez le handball et que vous y apportez votre pierre. Bonne continuation et merci.
wiwsport.com avec Jean Joseph