Vingt-trois ans après son sacre à domicile, l’équipe nationale du Sénégal peine à s’imposer à nouveau sur la scène du basket masculin africain. Depuis dix éditions donc, les «Lions» n’arrivent pas à vaincre le signe indien. Autant dire une éternité pour une nation réputée place forte du basket !
Dimanche 3 août 1997, au stadium Marius Ndiaye de Dakar, les «Lions» sénégalais du basket remportent le titre continental face au Nigeria (69-48). Un sacre qui arrivait après une traversée du désert de 17 ans. La dernière victoire du Sénégal remonte à… 1980 au Maroc où les «Lions» avaient pris le meilleur sur la Côte d’Ivoire (96-90) lors de la 10e édition. Ce cinquième trophée, remporté à domicile, après les victoires finales de 1968, 1972, 1978 et 1980, portait la signature de Boubacar Aw, Oumar Mar, Aly Ngoné Niang, Raymond Carvalho, Vincent Dasylva, Cheikh Dia, Makhtar Ndiaye… et l’empreinte de Bassirou Badji, sélectionneur national. Ce sacre, le technicien sénégalais s’en souvient comme si c’était hier. Mais sa première satisfaction, dit-il, il l’a eue bien avant, en 1995, lors du championnat d’Afrique en Algérie. Son équipe a été battue en finale par l’Angola (68-55). Et c’était de bon augure pour la suite, dans la perspective de l’édition suivante, la 19e, prévue au Sénégal.
La phase de poule avait été assez difficile pour les «Lions», rappelle Badji. Une victoire (82-41) contre l’Afrique du Sud, puis contre la République centrafricaine (70-57) et une défaite (38-50, 3e journée) face au Nigéria. Ce premier revers avait bien failli déstabiliser l’équipe. «Nous nous sommes réunis et nous nous sommes dit des vérités. Cela avait ressoudé le groupe parce qu’au début, les gens jouaient de manière individuelle. Le collectif était inexistant», se souvient Bassirou Badji.
Un long passage à vide
Cette remise en cause a poussé l’équipe à privilégier le collectif et à remporter le match contre la Côte d’Ivoire (95-78) et la demi-finale face à l’Angola. Au terme d’un match très serré, le Sénégal, grâce à une défense à toute épreuve, avait battu l’Angola (53-47) pour se hisser en finale. «C’était la première fois que le Sénégal venait à bout de l’Angola et cette victoire m’a donné beaucoup de satisfaction », indique-t-il. Le Sénégal a continué sur sa lancée pour ensuite régler son compte au Nigéria en finale, remportant ainsi son cinquième titre continental. Cependant, en 1999, en Angola, l’équipe s’est classée 7e et au retour, Bassirou Badji avait été limogé et remplacé par Tapha Gaye.
Depuis le dernier sacre des «Lions» du basket en 1997 à Dakar, l’équipe a connu des hauts et des bas. En dix éditions, les «Lions» n’ont réussi à atteindre la finale qu’une seule fois, en 2005 en Algérie. Les poulains d’Abdourahmane Ndiaye «Adidas» avaient alors trouvé meilleur qu’eux sur leur route, l’Angola, et avaient perdu (61-70). Une véritable déception pour Makhtar Ndiaye, Boniface Ndong, Malèye Ndoye, Jules Richard Aw et autres Babou Cissé qui espéraient offrir au Sénégal une sixième couronne.
Depuis sa 7e place en 1999, l’équipe nationale a alterné le bon et le moins bon : 8e en 2001, 5e en 2003, 9e en 2007, 7e en 2009, 3e en 2013 et 2017, 4e en 2015. Les «Lions» ont souvent buté sur l’Angola, le Nigeria ou l’Égypte. Au plan statistique, l’équipe a disputé 66 matchs lors des dix dernières éditions pour 44 victoires et 22 défaites. De l’avis de Mohamed Diop, ancien de l’Ugb et ancien «Roi du basket» en 2010 qui a pris part à l’Afrobasket 2015, «le Sénégal fait partie des pays les plus titrés du continent africain chez les garçons (3e derrière l’Angola et le Nigéria) ; donc cela fait désordre s’il reste 23 ans sans gagner de titre. Surtout avec la qualité des ressources humaines dont nous disposons».
Pourtant, indique Raoul Toupane, Directeur technique adjoint chargé des compétitions, les «Lions» ont toujours été forts mentalement et n’ont jamais souffert de complexe vis-à-vis d’aucune nation. «Sur le plan technique, le niveau est assez bon avec nos expatriés qui évoluent dans de grands clubs. Cependant, il faut reconnaître que nous avons eu, pendant un certain temps, un déficit sur le plan physique, mais maintenant je pense que ce gap est résorbé», rassure-t-il. Aujourd’hui, soutient-il, « les difficultés sont recensées et nous avons espoir car, ces dernières années, la fédération et le ministère font des efforts notoires pour mettre les équipes nationales dans d’excellentes conditions», se félicite-t-il.
Une instabilité chronique sur le banc
Parmi les raisons des contre-performances répétitives des «Lions» du basket, l’instabilité chronique sur le banc occupe certainement une bonne place. Depuis le départ de Bassirou Badji de la tête de l’équipe nationale après le championnat d’Afrique de 1999, la valse des sélectionneurs a été endiablée lors des 10 dernières éditions de l’Afrobasket. Pas moins de sept entraîneurs se sont en effet relayés sur le banc. Boniface Ndong, actuellement en poste, est donc le 8e sur cette liste. Et du lot, seul Cheikh Sarr a été reconduit (2013 et 2015). Cette instabilité n’a assurément pas aidé à remettre les «Lions» au cœur de la bataille pour la reconquête du titre continental, selon Mamadou Ndoye dit Vieux. «Après chaque campagne, on a changé de coach ou de Dtn. Un pays qui veut gagner un trophée doit pouvoir être patient, trouver un bon entraîneur, mettre en place un projet sur quatre ans minimum», soutient-il.
En 2011, à Madagascar, dit-il, «on avait un entraîneur étranger (Alain Weisz) qui a fait ses valises durant la compétition. Il avait des problèmes avec certains joueurs, c’est ce qui explique notre échec contre la Côte d’Ivoire supposée être moins forte que nous», fait remarquer l’ancien meneur des «Lions». À son avis, la stabilité surtout chez les techniciens «est le meilleur atout pour viser un titre». Pour Mohamed Diop, il n’y a rien de surprenant qu’une équipe qui change huit fois de coach en moins de 20 ans ne gagne rien. Comme beaucoup d’observateurs, l’ancien «Lion» est d’avis que «installer un staff sur la durée et travailler dans la continuité pourraient être une formule gagnante, un ingrédient nécessaire pour remonter dans la hiérarchie» et retrouver de la lumière après une traversée du désert de 23 ans.
MANQUE DE PRÉPARATION, PROBLÈME DE PRIMES … : Ces facteurs de contre-performances
Depuis 1997, le basket masculin sénégalais ne gagne plus. Ces contre-performances sont dues à des facteurs de plusieurs ordres et la mauvaise préparation n’est pas des moindres. Le dernier coach à avoir remporté le trophée continental le confirme. Selon Bassirou Badji, les joueurs n’ont souvent pas eu suffisamment de temps pour se connaître et se familiariser les uns avec les autres. Un avis que partage Mohamed Diop. Selon l’ancien joueur de l’Ugb, des facteurs internes ou externes sont souvent à l’origine de ces contre-performances. «Parfois, c’était la question des primes, parfois c’était le non-respect du calendrier de la préparation, sans compter les bisbilles dans les différentes composantes de l’équipe nationale, en commençant par la fédération lors d’une compétition», indique-t-il. D’après lui, «le diable se trouve dans les détails et malheureusement ces détails nous empêchaient tout le temps d’atteindre le sommet».
Pour l’anecdote, se rappelle-t-il, le staff technique (le coach et ses deux assistants) devait veiller toute la nuit à l’époque (Afrobasket Tunis 2015) pour monter les vidéos des matchs des adversaires du Sénégal et en même temps se concentrer sur la gestion de l’équipe. Ce qui, croit-il savoir, était paradoxal dans la mesure où «des fédéraux étaient pris en charge lors de la compétition sans être d’aucune utilité pour l’équipe». Pour Mohamed Diop, une Coupe d’Afrique ne se gagne pas dans ces conditions. «Il suffit de faire un benchmark dans le staff du Nigeria ou de l’Angola pour le comprendre», dit-il en prônant le professionnalisme et la rigueur dans la gestion des équipes nationales. A son avis, on ne doit plus permettre à n’importe qui de côtoyer l’équipe nationale sans avoir le background et l’expérience nécessaires. « Il faut une politique sur le moyen et le long terme afin de nous préparer dès les petites catégories en ayant une philosophie de jeu à tous les niveaux des équipes nationales», plaide-t-il.
Vieux Ndoye estime pour sa part que «pour avoir une sérénité dans la tanière, il faut avoir des dirigeants et des fédéraux sereins». En 2013, rappelle-t-il, l’équipe s’était préparée en 21 jours ; «pendant que les autres ont eu deux mois et quinze jours». Cette impréparation, fait-il savoir, a posé problème en demi-finales. «On a eu des problèmes physiques parce qu’il y avait match tous les jours et on avait un problème de fraîcheur», se souvient-il. «Certains disent parfois que les joueurs sont indisciplinés. C’est juste que pour encadrer ces joueurs-là, il faut des gens qui connaissent ce qu’est le basket à l’international», fait-il remarquer.
À chaque édition donc, l’équipe nationale faisait face à une réalité différente et à des difficultés différentes, selon Raoul Toupane, Directeur technique national adjoint chargé des compétitions.
«Ces dernières années, la politique mise en place par le Ministère des Sports, en collaboration avec la Fédération, a amené le Sénégal à plus de maturité dans la gestion de l’équipe, mais aussi à titiller le sommet du basketball continental en figurant dans le dernier carré lors des trois dernières éditions de l’Afrobasket», se réjouit-il. Aujourd’hui, assure-t-il, l’organisation autour de l’équipe nationale s’est beaucoup améliorée. Mieux, note-t-il, elle se rapproche de ce qui se fait de mieux sur le plan international. Toutefois, fait-il remarquer, «les équipes rivales du Sénégal développent des politiques avant-gardistes pour le développement du basket chez elles en investissant parfois plus pour être performantes» et «cela rend la rivalité encore plus farouche».
Source : Le Soleil