Car le nom qui a rendu célèbre son papa est toujours frais dans les mémoires ; les transports AKF (Abdou Karim Fall). Dans cette famille de conducteurs, se trouve une fille, ou plutôt une dame, mordue de courses automobiles depuis sa tendre enfance. « Je suis née dans le sport mécanique car mon père était transporteur dont les camions portent la célèbre marque AKF. Moi je suis née dans une famille de transporteurs, j’ai même conduit un camion, une grue et un bateau, il ne me reste qu’à piloter un avion », dira-t-elle le sourire en coin.
Une passionnée des véhicules mécaniques en somme. Aujourd’hui, Abibatou est en train de récolter les fruits de son labeur. Et pour mieux asseoir ses ambitions pour la mécanique, elle intégra le cercle très fermé des courses automobiles où excellent les hommes. Elle s’essaya d’abord pendant cinq éditions dans la non moins célèbre course automobile trophée Mousso réservée uniquement aux femmes. Elle s’y illustra avec brio, mais cette épreuve après quelques années de compétition disparut. Alors Abibatou Fall se lança dans un pari plus audacieux ; celui de courir auprès des hommes dans la plus prestigieuse course au Sénégal. « C’était difficile pour une femme, mais c’est un défi que je devais relever », a-t-elle ajouté.
Au départ, elle participait avec les autres Awa Dione, Linda Saloum, Nabila Hoballah, Sandra Bocandé, Laïla Chekir, mais petit à petit celles-ci abandonnèrent pour diverses raisons. Comme Abibatou est une battante qui ne baisse jamais les bras, elle continua et depuis 2008 elle roule sur les 6h de Dakar. Le succès en plus. Mardi dernier lors de la remise des trophées des 6h de Dakar, c’est à un véritable standing ovation qu’elle a eu droit en recevant son trophée. Classée 2e de la catégorie 2 L, elle était d’ailleurs la seule femme de cette 37e édition des 6h de Dakar.
Les autres ? « Elles ne sont plus là, je suis seule maintenant. Mais c’est une grande fierté pour moi de représenter les femmes dans cette course réservée aux hommes ». Elle ne croyait pas si bien dire puisqu’elle a roulé seule durant deux jours, soit 6h d’horloge, sans assistance au volant de sa Peugeot 307. Elle s’est battue en somme contre tous en tant que femme pour décrocher une honorable seconde place. Et c’est les yeux pétillants de joie qu’elle a reçu son magnifique trophée pour symboliser la bravoure d’une femme. « J’ai ressenti un énorme plaisir ; c’était difficile pour une femme, mais c’est un défi que je devais relever. Mon mari et mes frères aussi m’ont beaucoup soutenu et même mes enfants », dira t-elle par la suite.
Aujourd’hui, elle ne peut même pas compter les titres qu’elle a collectionnés ; idem pour les compétitions auxquelles elle a participé. « Mais maintenant je suis seule parce que c’est trop cher et les sponsors ne suivent pas ; le sport mécanique a un coût et moi je n’ai pas de sponsor. C’est ma famille qui m’aide dans ma préparation », a-t-elle dit. D’ailleurs, depuis que le circuit de Sindia a été construit, elle a été la première femme à y courir et elle s’était classée 4e cette année-là avec 4 trophées. Le trophée qu’elle a reçu mardi dernier, Abibatou Fall l’a dédié à sa défunte maman disparue récemment.
Son rêve, participer aux 24h du Mans
« J’ai atteint mon objectif en relevant un défi, c’est-à-dire rouler seule pendant 6h d’horloge sans copilote. Mais j’ai un autre rêve, c’est celui de participer aux 24h du Mans car j’y vais chaque année pour voir », se projette-t-elle. L’année prochaine, elle compte revenir plus forte encore, mais pour le moment, il lui reste à disputer le trophée feu Henri Diouf ex-président du club des 2 L qui va clôturer la saison.
© Le Soleil