Nouvellement élu à la tête de la fédération sénégalaise de tennis, le Président Layti Ndiaye a fait le diagnostic de la discipline dont les rênes lui sont désormais confiées. Bien connu dans la famille du tennis sénégalais, cette figure du tennis sénégalais et ancien handballeur a fait part de sa feuille de route en évoquant les axes prioritaires de son mandat avec notamment la réforme des statuts et textes qui régissent son sport. Voici l’intégralité de l’entretien avec Wiwsport.
Tout d’abord, félicitations pour votre élection à la tête de la Fédération Sénégalaise de tennis. Comment vous sentez-vous en prenant ces nouvelles responsabilités ?
Je vous remercie pour vos félicitations. Je me sens d’attaque pour amorcer la pente qui va certainement nous permettre de sortir un peu le tennis de son sommeil actuel.
Vous arrivez à un moment clé, M. le Président, au niveau de la Fédération. Quelle est votre vision globale du tennis sénégalais ?
Voilà, ma vision globale du tennis sénégalais est que c’est un tennis qui a déjà vécu vers les années 80. Il était un peu au firmament du tennis africain, ouest africain et africain. C’est vrai qu’à l’époque, il n’y avait pas autant de technologies, autant de compétences au niveau mondial. Et donc à l’époque, la distance qui nous séparait des grands pays de tennis n’était pas si grande que ça. Aujourd’hui, on a pris du retard. Le tennis ne va pas très bien, il faut le dire. Il faut remettre tout ça à flot.
Alors, quelles seront vos priorités immédiates pour ce soir aujourd’hui ? Nous sommes à peu près à un an et quelques des JOJ 2026. Quelles seront vos priorités immédiates ?
Déjà, en mettant en marge un peu les Jeux de la jeunesse, aujourd’hui, je pense qu’il faut relancer la machine avec méthode. Comme on le sait, dans toute activité humaine, vous avez le potentiel humain, le capital humain et vous avez également les moyens financiers et matériels. Je pense que la première chose à faire, c’est de se tourner vers la ressource humaine. Quelles ressources humaines devraient-on avoir pour lancer la machine ? Quelle méthode allons-nous utiliser pour lancer la machine ?
Ensuite, il faudra revisiter les textes qui encadrent nos activités. Ça veut dire nos statuts, le règlement intérieur. Une fois que cela est fait, il faudra constituer une structure, mais comme je le dis toujours, avec des gens capables de faire des efforts, désintéressés, qui ont la compétence et qui ont le savoir-vivre dans le domaine du sport. Parce que le sport, il faut accepter l’autre, il faut contribuer, il faut être généreux. Une fois qu’on aura ces ressources-là, et je sais que Dakar et le Sénégal en regorgent, il faudra leur donner les moyens d’être motivés.
Une fois que les structures sont faites et que les objectifs sont tracés, la vision deviendra plus claire. Parce qu’on veut quand même aller vers une gestion, vers un vrai management de l’activité. Il faut des budgets, il faut des plans d’action, il faut savoir ce que les autres ont fait, ce qu’il reste à faire, il faut évaluer périodiquement. Et vraiment, il faut pousser les gens pour que le travail se fasse. Créer l’engouement autour, ça motive les gens. Même si les gens ne sont pas payés parce qu’on n’a pas vocation à recevoir de l’argent pour ce que nous faisons. Nous faisons des guettés de cœur. Donc il faut arriver à faire ça. Une fois que c’est fait, le reste n’est qu’une question de moyens. D’aller chercher des moyens, de mettre la main là où ça fait mal, les infrastructures, la formation des techniciens. On ne va pas aller vers 1000 commissions. Mais des commissions stratégiques, 2, 3 ou 4 maximum commissions stratégiques avec un nombre suffisant de personnes pour pouvoir comprendre ce qu’il y a à faire et pouvoir le faire.
Assurer déjà les bases. Sans cela, on va avoir Même si demain je suis président et qu’on me demande d’organiser un tournoi d’un niveau ATP 250 par exemple, si on le fait, les gens vont penser que le tennis est développé alors que ce n ‘est qu’une vitrine, ce n’est qu’une façade. Derrière, les jeunes ne jouent pas assez. Ils ne sont pas bien entraînés, ils ne sont pas bien encadrés. Moi, je pense qu’il faut aller vers la base. Il faut prendre le temps que ça devra prendre. Ne pas aller tout de suite vers les gros projets. Mais en tout cas, assurez que la base est stable et qu’elle peut supporter la machine.
Vous parlez tantôt des textes, des statuts, de tout ce qui est structuration. Doit-on comprendre que cela va se faire en synergie, bien sûr, avec les lois qui sont actuellement au niveau projet avec le ministère des Sports ?
Bien sûr. En fait, quand je parle de lois, de textes, c’est qu’on parte du spécimen de statuts que le ministère a sorti. Et sur va l’adaptateur. Efficacité. Parce que ce qui est vrai pour la fédération de golf, de natation, ne l’est pas pour le tennis. Donc on va faire un premier exercice qui va consister à adapter les textes que nous avons en fonction de ce que nous vivons réellement. Bon, tout ça sera validé. J’ai commencé aujourd’hui, même avant de prendre fonction, j’ai commencé à réfléchir sur un chronogramme. Parce que ça demande quand même un lot de réflexion, de compétence pour avoir des textes qui peuvent encadrer valablement l’action de la fédération. Le développement du tennis passe nécessairement par les jeunes, la base, pour qu’au fur et à mesure cela prenne et qu’on ait une bonne relève à l’avenir.
Aujourd’hui, quels sont les plans concrets, les idées que vous avez par rapport à cela ?
Par rapport à cela, c’est vrai que, comme je vous parlais de la ressource humaine, la première base pour pousser les jeunes à se développer, c’est d’avoir nous-mêmes des entraîneurs capables de pousser les jeunes. Est-ce que nos entraîneurs aujourd’hui ont les compétences qu’il faut ? Qu’est-ce qu’ils ont comme formation ? Combien sont-ils et où est-ce qu’ils se situent. Parce que ça ne sert à rien de former des jeunes si en fait on n’a pas la compétence. Donc on va combattre le rappel des troupes, faire un inventaire de ce que nous avons comme entraîneurs, regarder au sein de ces entraîneurs qui est compétent ou pas, jusqu’à quel niveau. On va stratifier la corporation pour voir qui est entraîneur des jeunes de 5 à 8 ans, qui est entraîneur de 8 ans…
Quand on aura fini tout ça, on va créer des écoles de tennis au niveau de chaque endroit où on fait du tennis. Avec un recensement précis des enfants, un recensement précis des enfants, des fiches de suivi. Et on va joindre tout cela à ce que nous permet de faire la FIT (la Fédération Internationale de Tennis). On va mettre ces informations-là dans des bases de données. Et le suivi ne se fera pas qu’au Sénégal, mais également au niveau de la FIT.
Est-ce qu’aujourd’hui le tennis devrait être prévu dans ce qui est ce projet d’infrastructure de proximité ?
Quand on parle des infrastructures de proximité au niveau des quartiers, je pense que ce terme trouve son sens davantage en ce qui concerne le tennis. Le football, on peut parler de sport de proximité. Quelqu’un peut sortir juste dans la rue et jouer au tennis. Le tennis peut aussi aller dans ce sens-là. Moi, j’ai vu un exemple en Mauritanie où des jeunes d’un quartier je pourrais vous montrer les photos, ont décidé de jouer au tennis sur du sable. Ils ont tracé, ils ont mis un filet, ils ont commencé à jouer, ensuite ils ont regagné des clubs et ils sont devenus assez bons. Ce n’est pas de la terre battue, mais c’est du sable.
Au Sénégal, on a le cas du stade qui a permis à certains jeunes de Yoff, je pense, et des alentours du stade Léopold Sédar Senghor, de jouer au tennis. C’est vrai que le projet de réfection du stade Léopold Sédar Senghor a poussé le promoteur à dire, “Écoutez, le tennis on l’enlève, à la place du tennis, on met des parkings’’. Mais je vais, dès la semaine prochaine adresser une lettre au ministère des Sports pour leur demander de reconsidérer cet aspect de la chose et de nous dire exactement si on va conserver les terrains ou pas. C’était carrément un club, on en a fait un club. Et il y a des gens, des quartiers qui n’ont pas les moyens d’arriver à jouer là-bas.
Donc, on ne peut pas dire que c’est un sport réservé à l’élite. C’est vrai qu’il faut des moyens pour jouer au tennis. Mais on peut également jouer au tennis et bien jouer au tennis sans les moyens. Sans les moyens. Avec l’apport de l’État, de la fédération, il y a une volonté de vulgariser et d’accompagner. Il y a même des programmes de vulgarisation au niveau des écoles. Le programme GTI qu’on a eu, mais qu’il va falloir remettre. Sur les cours, je pense qu’on va arriver à le refaire. On pourrait même s’attendre à des cours d’initiation au tennis au sein des CM, des lycées par exemple. Ensuite également regarder dans le domaine de la formation sportive, au niveau de l’INSEPS. Essayez de former certains pour d’abord qu’ils comprennent et qu’ils fassent des années sur l’option. C’est possible. On va explorer tout ça.
Aujourd’hui, est-ce qu’on peut s’attendre à autant d’infrastructures, mais aussi de compétitions pour les jeunes tennismen sénégalais ?
C’est une bonne question. On ne peut pas atteindre le haut niveau de tennis en jouer au balai. Je sais que dans l’année, il y a 52 semaines, je parle sur le contrôle des techniciens, peut-être qu’ils vont m’entendre, il faut que nous fassions dans ces 52 semaines, au moins, 25 à 30 tournois pour les enfants. C’est notre objectif. Il reste encore de l’espoir. Mais le plus important, c’est que nous ayons la possibilité, au moins dix à quinze fois par an. Mais c’est très important, parce qu’il faut que l’on soit là et que l’on sache qu’il y a des compétitions. On sait qu’il y a des compétitions entre le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Afrique du Sud et d’Afrique d’Australie. Nous avons l’intérêt d’y aller. Mais c’est impossible d’y aller.
Depuis deux ans, on a fait trois participations au niveau de la Coupe Davis. Le Sénégal passe au groupe 3. Et on a vu l’équipe que tu connais bien. Est-ce que la fédération a inscrit la Coupe Davis dans ses plans ?
La Coupe Davis, c’est vrai, on joue avec des joueurs qui deviennent des professionnels et ne sont plus au Sénégal. L’une des causes, est que nos techniciens ne sont pas assez outillés pour préparer nos jeunes à la carrière professionnelle du haut. Aujourd’hui, ce circuit fait que le joueur sort du pays à un moment et n’est plus sous la houlette de la Fédération. C’est le joueur lui-même qui paie pour participer aux tournois internationaux avec ses propres moyens. Et c’est devenu un principe valable partout à travers le monde. Maintenant, notre combat devrait consister à préparer la relève de cette génération.
Nous devons faire de sorte que le Sénégal continuer de prendre part à ces tournois dans la continuité. Parce que dans le tennis les choses vont vite et ce travail de préparation de la relève devrait se faire dès maintenant. Nous devons avoir des partenariats avec par exemple 2 à 3 jeunes joueurs envoyés dans les centres de formations en Europe de manière régulière afin d’assurer la relève. Mais comme je disais tantôt, cela se fera après que les bases soient déjà mises en place au niveau structurel.
Le pays regorge de plusieurs stations balnéaires, quel sera le positionnement du Sénégal sous votre mandat par rapport à l’accueil et l’organisation des compétitions internationales tels que les opens ?
Effectivement, c’est un axe de réflexion ! Je pense que lorsque nous aurons fini de débroussailler et de lancer la machine, on ira voir le ministère du tourisme. On ira le voir avec l’avis des spécialistes sur cet aspect pour nous faire des réflexions. On pourra ainsi aller discuter avec la SAPCO par exemple par rapport aux stations balnéaires. Et avant ça se faisait ! Comme je disais tantôt, on ne va rien créer ici, on a eu à faire dans le passé des circuits africains pour les gosses de 10-12 ans à Nianing où il y avait des courts. Mais aujourd’hui on réaffirme notre engagement à restaurer et accueillir ces tournois-là.
Les fédérations sportives doivent souvent jongler avec des budgets limités. Quels partenariats ou financements comptez-vous mobiliser pour soutenir vos projets ?
Comme je le dis, en ce moment le tennis sénégalais n’est pas aussi attractif que nous le voudrions. Nous allons travailler pour faire de sorte à créer une certaine attractivité autour du tennis. Une fois que c’est fait, nous aurons assez d’arguments pour proposer notre vision aux potentiels sponsors. Mais ne nous faisons pas d’illusions ! Je pense qu’il faut trouver des partenaires qui aiment le tennis et sont capables de l’aider et de nous aider.
J’ai toujours considéré que les gens qui s’intéressent au tennis ne rendaient pas assez l’ascenseur au tennis. Je pense qu’il faut conscientiser ces personnes-là pour qu’elles viennent aider. Nous allons aussi essayer de nouer des partenariats à l’international pour essayer d’avoir des matériels. Avec tout cela, si nous travaillons bien, nous aurons assez de sponsors qui voudront accompagner notre discipline. Nous pouvons aussi restaurer le Club des Amis du tennis avec 5 à 6 entreprises à qui nous offrirons de la visibilité pour qu’elles mettent la main à la poche. Mais encore une fois, il faudra être sérieux et bien gérer les fonds pour leur inspirer confiance.
Votre dernier mot ?
Alors, le message que je voudrais partager est que nous ne pouvons pas développer, travailler sans une quiétude sociale ou du monde du tennis. Je vois qu’il y a beaucoup de gens qui s’agitent, mais je pense que ce n’est pas le moment pour cela. Quand on dit que notre sport est en décadence, il faut qu’on le remette sur la bonne voie, nous ne pouvons pas se permettre de contester certaines choses. Nous avons besoin de rassembler et ce que je dis à ces jeunes qui s’agitent, c’est qu’il faut qu’ils rentrent à la maison. Qu’ils viennent aider, nous, nous sommes des bénévoles et certains parmi ces jeunes, vivent du tennis. Donc ils ont intérêt que le tennis marche. Donc je leur demande de venir nous rejoindre la grande famille dans un esprit familial pour que nous puissions relancer la machine.
wiwsport.com (Par Jean Joseph)