Devenu incontournable dans le milieu de la lutte sénégalaise en si peu de temps, le fils de Gaston Mbengue a pris du galon depuis que son père s’est mis en retrait pour lui confier les clés de la structure Gaston Productions. De retour au Sénégal il y’a une dizaine d’années après ses études en France, Makane Mbengue a organisé plusieurs combats chocs dont « le meilleur » Balla Gaye 2 v Boy Niang disputé en janvier dernier. Le promoteur est revenu son parcours, la maladie de son père, l’actualité chaude de l’arène sénégalaise dont le report de ses combats de fin de saison mais aussi ses projets pour la saison à venir.
- Entretien
Depuis quelques temps vous êtes mis au-devant de la scène par la structure Gaston Productions. Quelle appréciation faites-vous de votre nouvelle casquette de promoteur ?
Je dirai que c’est un travail difficile et à la fois facile. Facile parce que j’ai eu la chance d’avoir père Gaston à mes côtés. Depuis mon retour au Sénégal en 2012 après mes études, je me suis mis d’abord à travailler pour moi-même mais tout en donnant un coup de main à mon père dans la structure Gaston Productions. J’ai longtemps été au sein de la structure même si je n’étais pas au-devant de la scène. Je gérais la porte découverte qui est un travail très difficile. Mais pour en revenir au poste que j’occupe maintenant, je peux dire que ça va puisque je suis très bien accompagné par une équipe forte, soudée et avec de l’expérience. Je suis aussi appuyé par Abdoulahad Ndiaye qui est un homme loyal et qui se donne à fond dans le travail. C’est ce qui nous vaut d’être vu aujourd’hui comme la structure leader en lutte avec frappe. Je rends grâce à Dieu puisque toutes les journées que j’ai organisé jusqu’ici ont été des réussites.
Comment avez-vous vécu l’absence de votre père Gaston Mbengue qui depuis plusieurs mois est malade ?
Père Gaston me manque mais manque aussi à beaucoup. Il manque au CNG, aux acteurs du football, du sport en général mais aussi ceux du champs politique. Personnellement il me manque surtout dans le cadre du travail mais heureusement il m’avait bien préparé dès le bas-âge à être à ce niveau de responsabilité. C’est d’ailleurs lui qui m’avait conseillé de faire du marketing et communication. Sans doute parce qu’il voulait que j’intègre la lutte un jour ou l’autre. Organiser des combats de lutte ne se résume pas uniquement à mettre aux prises deux lutteurs, mais il faut savoir démarcher les sponsors et faire la communication de l’évènement. Beaucoup de promoteurs échouent parce qu’ils n’ont pas eu la chance que j’ai de faire des études de marketing et d’être proche de gens expérimentés. Franchement il (Gaston [Ndlr]) m’a bien préparé au point où même s’il fait son retour, il sera là tout simplement pour nous épauler avec ses conseils. Nous prions pour lui afin que Dieu lui prête une longue vie parce que tout le monde a besoin de lui.
Quel est le meilleur combat que vous avez eu à organiser et pourquoi ?
Je dirai Balla Gaye v Boy Niang du 1er janvier 2023. Ça été la plus grande réussite de tous les combats récents. C’était un défi car beaucoup attendaient que l’évènement soit un échec. On a tout entendu avant mais le jour j, on a vu que l’arène nationale a fait le plein et il y’avait même des gens qui avaient des billets mais qui ne pouvaient pas entrer dans le stade. En plus vu que c’était diffusé en direct à la télé, c’était une fête pour tous le Sénégal. La diaspora a pu suivre le combat en mode pay per view et on a gagné beaucoup d’argent grâce à ça. C’était le combat où on a le plus gagné grâce au système du « pay per view ».
Quel est votre avis sur la récurrence des reports des combats suite aux blessures en cascade des lutteurs ?
C’est difficile pour nous les promoteurs surtout financièrement. Mais il faut aussi savoir que les blessures sont normales quand on fait du sport. On a vu le cas de Sadio Mané qui s’est blessé à quelques semaines de la Coupe du monde et par la suite il a manqué le mondial. Auparavant les lutteurs cachaient leurs blessures mais maintenant qu’ils (les VIP) sont en fin de carrière, ils ne peuvent plus lutter avec des blessures parce qu’ils sont obligés d’être à 100% de leur capacité. Si vous regardez le cas de Balla Gaye, c’est la première fois qu’il fait reporter un combat pour blessure. Donc les sénégalais doivent comprendre que c’est la volonté divine et c’est ce qui est mieux pour ce combat. S’il est guéri nous organiserons à nouveau son combat contre Eumeu Sène. C’est pareil pour Gris Bordeaux qui s’est blessé à quelques semaines de son combat face à Ama Baldé. Bref, je me dis que c’est mieux que les choses se soient passées de la sorte. Imaginez si ces combats avaient eu lieu à ce moment là où le contexte sociopolitique du pays était tendu.
Pour certains, la lutte devient de plus en plus un business plutôt qu’une passion notamment pour les grands lutteurs dits « VIP ». Partagez-vous cet avis ?
Non je ne partage pas cet avis parce que je suis dans leur monde et je connais leur état d’esprit et les sacrifices qu’ils font. Les VIP ne font pas reporter leur combat sciemment et sans raison. Ils savent que s’ils luttent, ils auront de l’argent et s’ils ne le font pas en reportant systématiquement leurs combats, ils vont perdre du temps et de l’argent. C’est aussi simple que ça.
Les amateurs attendent toujours de connaître la date du combat royal entre Modou Lô et Boy Niang 2. Que pouvez-vous leur dire à ce propos ?
Ce sera en début de saison prochaine (novembre). Notre dernier journée de cette saison était Balla Gaye 2 v Eumeu Sène du 30 juillet (reporté). À la reprise on va tenir Boy Niang v Modou Lô qui est un combat choc attendu par le monde entier. C’est un combat à plusieurs enjeux. Modou Lô a été battu par Balla Gaye et ce dernier a perdu contre Boy Niang. Si Modou Lô bat Boy Niang ce sera pour lui une sorte de revanche sur Balla Gaye et de l’autre côté si Boy Niang bat Modou Lô, il deviendra roi des arènes et verra sa carrière décoller. Nous allons donc bientôt promouvoir ce combat et si tout va bien dès cet été nous allons organiser un deuxième face à face entre les deux lutteurs.
Vous avez promis le retour du CLAF (Championnat de Lutte avec Frappe) la saison prochaine. Avez-vous d’ors et déjà ciblé les jeunes espoirs qui vont y participer ?
Le retour du CLAF fait partie de nos projets pour la saison prochaine. Si vous avez remarqué cette année, on a organisé des combats chocs avec les grands lutteurs. Mais la saison prochaine nous voulons promouvoir les jeunes lutteurs avec le Championnat de lutte avec frappe. On a ciblé des jeunes, ils sont nombreux mais il faut qu’on prenne le temps de choisir dans chaque localité un jeune espoir. Il est temps de révéler de nouveaux champions parce que cela fait des années qu’on entend les mêmes VIP à savoir Balla Gaye, Modou Lô, Lac 2 qui se sont eux même révélés lors des CLAF. Il y’a des lutteurs comme Doudou Sané ou Serigne Ndiaye 2 qui sont des futurs champions et qui peuvent intégrer ce tournoi. Père Gaston sera là comme conseiller avec toute l’équipe pour nous aider à dénicher les talents parce qu’il y’en a énormément et certains drainent même plus de monde que les VIP.
Quel regard portez-vous sur le MMA qui commence à séduire les lutteurs et promoteurs Sénégalais ?
Le MMA n’est pas encore au même niveau que la lutte même si certains promoteurs essaient de tenir des combats au Sénégal. Maintenant c’est une bonne chose que des lutteurs tentent de faire carrière en MMA même s’ils ne sont pas plus de 15 sur les 8000 lutteurs licenciés. Mais je pense que la lutte doit être reconnue à sa juste valeur. C’est notre sport national et si aujourd’hui les organisateurs du MMA viennent voir la lutte pour dénicher des combattants c’est parce que notre sport a bien évolué et c’est en grande partie grâce à Père Gaston qui a contribué au développement de la lutte. Lors du dernier combat que j’ai organisé entre Reug Reug et Sa Thiès, il y avait des dirigeants du MMA dans le stade. Des personnalités importantes du monde comme Vladimir Poutine aiment et suivent la lutte sénégalaise. Ça montre la popularité de notre sport et je pense qu’il est temps d’inscrire la lutte dans les disciplines des arts martiaux.
Contrairement à votre père ou à Luc Nicolaï qui sont un peu conservateurs, êtes-vous prêts à ouvrir davantage la lutte en l’associant au MMA par exemple ?
Pourquoi pas ! Mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Pour le moment nous sommes dans la lutte avec frappe qui est notre domaine de prédilection. Peut-être si on a des partenaires qui sont intéressés on peut faire une co-production. Mais le fait est que les Sénégalais ne connaissent pas trop le MMA. À l’étranger c’est un sport qui se développe mais si vous organisez cela ici, le stade ne sera pas rempli.
Le président Macky Sall a annoncé qu’il ne briguera pas une troisième candidature à la présidentielle, ne redoutez-vous pas la non tenue des promesses qu’il avait fait aux acteurs de la lutte lors de l’audience qu’il vous a accordé au mois de mai dernier ?
Non pas du tout. Déjà beaucoup de ses projets pour la lutte ont été entamé et comme on le dit, le plus dur c’est de commencer et les choses sont sur les rails. C’est le cas de la Couverture Maladie Universelle (CMU) où certains acteurs de la lutte se sont déjà inscrits. Concernant le Fonds de Promotion de la Lutte (500 millions FCFA) accordé sous forme de prêt aux promoteurs grâce au FONGIP, c’est quelque chose que nous saluons. Les promoteurs n’auront pas besoin d’aller dans les banques pour faire des prêts. Donc nous remercions le président Macky Sall pour les efforts consentis pour le monde de la lutte. Il va énormément nous manquer mais ses idées vont prospérer puisque l’État c’est une continuité. Il a beaucoup œuvré pour la jeunesse et pour le sport.
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