Ce samedi 13 mai, les femmes ont pris d’assaut le Parking du Stade Léopold Sédar Senghor pour le retour du Trophée Mousso. L’organisation dirigée par le journaliste sportif Maodo Guirandou a décidé de placer la journée de courses sous le thème du soutien au Village d’Enfants SOS. Avec seulement 9 candidates en lice, ce sport peine à se féminiser.
L’espace est aménagé de carrosses de voitures de toutes sortes. Les taxis et véhicules particuliers se font de la place derrière le stade. L’odeur de l’huile sur cette route goudronnée, mélangée au bruit assourdissant des moteurs de véhicules, donnent le ton. Quelques dizaines de mètres plus loin, une musique attire l’attention. Des voitures numérotées font le tour d’une piste encadrée. Au volant, des dames. Sous ce chaud soleil sévissant au niveau du Parking du Stade Léopold Sédar Senghor, les femmes conductrices sont à l’honneur. Après trois années de pause, le Trophée Mousso reprend ses droits. Une course automobile spécifiquement dédiée aux femmes.
A cet instant où le soleil a fini d’occuper le zénith, le deuxième passage est déjà effectué. Les pilotes, après s’être succédées par deux sur la ligne de départ, sont en attente des résultats. Peu nombreuses à s’adonner à cette discipline, ces dames peinent à se faire accepter dans ce milieu. Comme l’explique Fatim Thioune, « les gens ne connaissent pas trop les femmes dans ce milieu, à chaque fois que je parle de ça, tout le monde semble étonné. Pour eux, c’est dangereux pour nous. Mais j’aimerai leur dire qu’il n’y en pas puisqu’on le fait avec passion ». Assises sous une tente à l’effigie d’un des partenaires de l’événement, quelques-unes des neuf participantes de cette année discutent avec enthousiasme. Fatim est une d’elles. Journaliste de formation, cette dame au teint clair, vêtue d’un Lacoste blanc, sur lequel on peut lire « PILOTE » en est à sa 2e participation au Trophée Mousso. Toute souriante, elle affirme que son objectif premier dans la compétition est de participer. « Je suis revenue juste par passion, dans l’optique de m’amuser. Je n’ai aucune attente par rapport au classement ou quoi que ce soit », déclare-t-elle.
Une absence de public qui ne décourage pas
L’animation bat son plein. Les dames ne sont pas seules. Le public ayant répondu présent est composé de leurs familles. Installé sous une bâche qui accueille aussi la partie de l’organisation chargée de la restauration, il ne manque pas de donner de la voix pour remotiver les conductrices du jour. En complicité avec le DJ, le micro central, feuille à la main, s’apprête à donner les résultats pour les quarts de finale. Une feuille qu’il a reçue des mains d’un des membres de l’équipe du chrono, Amadou Ndoye. Cet homme d’une quarantaine d’années est le spécialiste des chronos concernant les courses automobiles au Sénégal. Il revient sur le déroulement du concours, debout sous son stand. « Vous voyez ces deux voies. Il y a la voie A et la voie B. Chaque concurrente passe sur une voie et on inverse. Après on prend le meilleur temps sur chaque voie pour définir le classement », déclare-t-il, après l’annonce des qualifiées pour le tour suivant. Depuis 2002, cet événement est celui qui réunit les passionnées de moteur et de volant. Cette année, le nombre des participantes est revue à la baisse. De près de 40 candidates au début, elles passent à 9 en 2023. « Il y a 21 ans qu’on organise cette compétition. Ce ne sont plus les mêmes générations, les temps sont durs et tout mais heureusement on l’a fait », explique Maodo Guirandou, promoteur de l’ASC Trophée Mousso.
Des pilotes fidèles au rendez-vous…
Passionnée de volant et mariée à un mécanicien, Fatumata Bah, gants aux mains, démarche imposante et rire au coin, est la vainqueure du 1er Grand Prix de Dakar (février 2023). Elle a aussi remporté le Trophée Mousso en 2006. Cette compétition était la seule organisée pour les femmes dans ce milieu de l’automobile pendant une vingtaine d’années. Une situation préjudiciable pour l’avenir de cette discipline, selon Fatumata. « Maodo (Guirandou) a beaucoup de difficultés à boucler ses budgets parce que c’est le seul à le faire. S’il abandonne et qu’il baisse les bras, il n’y aura plus de course pour femme », se désole-t-elle. Cette championne des courses de véhicules depuis près de 20 ans est l’une des rares qui s’est fait un nom dans un milieu masculin. « Je tiens cette passion de mon père. Je traînais avec lui dans les garages durant mon enfance », informe cette agente au Village d’Enfants SOS. Maman de deux enfants qui l’ont même accompagné, la « Mousso » 2006 salue l’initiative de Guirandou. Cette 8e édition est placée sous le signe de l’aide aux enfants démunis. « Je trouve que c’est une noble cause. Elle nous touche et nous parle. Nous sommes tous des mères. Je trouve bien d’associer le trophée Mousso à quelque chose d’utile notamment les enfants », se félicite-t-elle. Même si Fatumata Bah se qualifie avec le deuxième meilleur temps (7sec32), devancée par Aminata Thiam (7sec29), la championne reste la favorite jusque-là. La course va se poursuivre. Elles ne sont que 8 désormais à concourir. Le sprint final s’annonce disputé. Car selon les organisateurs, toutes les compétitrices se valent. Fatumata affirme que ceci donne plus d’élan à la course. Pour elle, la cause est simplement parce que toutes les concurrentes ont au moins participé à une édition.
Malgré une faible présence du public, le peu sur place ne met pas le frein à l’amusement et au divertissement en multipliant les pas de danses et les applaudissements après chaque course de leur candidate. On peut entendre le prénom d’une d’elle : « Allez Yacine ! Allez Yacine ! Allez Yacine » qui rejoint les demi-finales. L’heure tourne à grande vitesse. La journée glisse tranquillement vers la fin. La musique fait augmenter la température en poussant les pilotes à esquisser quelques pas de danses. Fatumata Bah termine championne (8sec07) devant Nafissa Diagne (8sec41). Marieme Diagne, troisième (8sec99) domine Yacine Ndiaye (9sec59) lors de la petite finale.