« L'important, ce n'est pas la force, c'est le courage ! », explique Diomaye Séné d'un air docte à quelques jeunes attroupés autour de lui. Sous l'une des tentes du village du marathon de Dakar, à 86 ans, il est venu chercher son dossard pour courir les quelque 42 kilomètres d'un parcours particulièrement relevé à travers les grandes artères de la capitale sénégalaise.
Le regard espiègle, l'air sûr de lui, le vieux monsieur clame à qui veut bien l'entendre qu'il ira jusqu'au bout, sous le regard mi-admiratif, mi-dubitatif des volontaires. Cet ancien technicien militaire, passé par l'école d'enseignement technique de l'armée de l'air – située près de Bordeaux en France –, espère bien que les jeunes recrues verront sa performance.
Une nation de sport
Sur la ligne, à quelques instants du départ, le voici en train de plaisanter avec ses amis, un groupe de petits jeunes dont l'âge oscille entre 60 et 70 ans : « Nous les Sénégalais, nous sommes de vrais sportifs, c'est écrit dans nos gènes », souligne l'un d'entre eux. Il est vrai que pour se rendre compte du poids de la culture du sport dans le pays, il suffit de se rendre sur la route de la corniche qu'emprunte le marathon cette année.
Là, face à la mer, s'alignent sur plusieurs kilomètres des installations sportives ouvertes à tous : une immense salle de musculation à ciel ouvert à côté de laquelle se succèdent des terrains de sport collectifs. En ce dimanche de Pâques, il n'y a pas grand monde ce matin. Dos à la mer, assis sur un banc de musculation, Fallou regarde défiler les 6 000 marathoniens, s'enquérant du parcours : « Rien que d'imaginer la distance me fatigue », glisse-t-il dans un sourire. Lui qui n'a jamais couru se verrait pourtant bien participer à la compétition l'année prochaine.
« C'est vrai qu'au Sénégal, on n'est pas très course à pied sur de longues distances. On n'a pas encore d'athlètes qui se dégagent dans cette discipline, mais c'est un pays de sport donc on peut penser qu'avec le temps, le marathon créera des vocations », assure le jeune homme.
Vendre la destination Sénégal
Après la célèbre lutte sénégalaise, le football ou l'athlétisme, le gouvernement sénégalais espère bien pouvoir voir « son » marathon briller à l'international, et surtout des coureurs sénégalais y décrocher quelques étoiles, histoire de vendre le Sénégal à l'étranger et d'attirer toujours plus de monde dans sa capitale : « Cet événement a enregistré la participation de plusieurs nationalités et cela est extrêmement important pour le sport sénégalais et la relance de notre athlétisme. (…) Le marathon de Dakar permet tout simplement de vendre la destination sénégalaise et celle de Dakar », souligne ainsi le ministre des Sports Matar Ba.
Si le peloton de la course est majoritairement composé de Sénégalais, de nombreuses autres nationalités y sont représentées, parmi lesquelles des expatriés européens, américains et asiatiques, mais également quelques étrangers amateurs de courses africaines : « J'étais hier au semi-marathon de Banjul…, par curiosité, j'ai eu envie de faire celui de Dakar aujourd'hui et pourquoi pas celui du Gabon en juin ! », raconte un coureur allemand d'une cinquantaine d'années juste avant de disparaître dans la foule des coureurs.
La corne de l'Afrique sur le podium
Pour cette première, ce sont également des professionnels étrangers qui monteront sur le podium, et en particulier des coureurs venus d'autres nations de sport bien connues telles que le Kenya et l'Éthiopie. C'est d'ailleurs un coureur venu tout droit d'Addis Abeba, Abere Kassw, qui franchira la ligne d'arrivée après une course de 2 h 18' 22, ce qui constitue un temps honorable si l'on considère la difficulté du parcours et le climat difficile de Dakar.
Du côté des femmes, c'est également la corne de l'Afrique qui sera à l'honneur avec trois coureuses kényanes sur le podium : Zeddy Limo (2 h 39' 20), suivie de Naomy Tuei (2 h 40' 14) et Jaqueline Nyetipei (2 h 52' 09).
Mais la star inégalée de la compétition arrivera bien des heures plus tard : exténué, il a tout de même franchi seul et en trottinant la ligne d'arrivée, avant de s'effondrer de fatigue dans les bras des secouristes. L'invincible Diomaye Séné a tenu son pari, en finissant pour la deuxième fois de sa vie un marathon, et le Sénégal n'aurait sans doute jamais pu rêver meilleur ambassadeur.
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