Le secrétaire général du Parti Socialiste, Ousmane Tanor Dieng, fait partie des autorités politiques sénégalaises qui aiment le sport. Il est souvent aperçu dans les loges officielles lors des matches des équipes nationales de basketball ou de football. Présent à Beijing, en Chine, sur invitation du président Lamine Diack, il a accepté d’accorder une interview, mais à une seule condition : «ne pas parler de politique et rester exclusivement dans le sport».
Monsieur le ministre d’Etat, vous êtes l’invité du président Diack qui vient de quitter la tête de l’IAAF après presque 16 ans. Que retenez-vous de l’homme sportivement ?
J’ai assisté à la cérémonie d’ouverture des 15èmes championnats du monde d’athlétisme et aux compétitions. C’est avec beaucoup de fierté que j’ai vu notre compatriote, Lamine Diack, adulé, respecté par tous ceux qui aiment le sport dans le monde pour le rôle éminent qu’il a joué. Tous ses collaborateurs ont rappelé qu’il a un bilan particulièrement positif. Pas seulement pour l’Afrique, mais aussi pour des pays comme la Chine, pour des causes comme celles de l’Apartheid. Lamine Diack part, de ce point de vue là, la tête haute et avec lui, le peuple sénégalais. Mais, comme il l’a dit lui-même, il y a une petite gêne puisqu’au même moment, le Sénégal n’était pratiquement pas présent comme il devait l’être (un seul athlète qualifié par wild card, Ndlr). Je crois que nous devons ensemble en tirer les enseignements et profiter de l’expérience et de la réputation dont il jouit, pour que nous puissions faire un diagnostic de notre sport depuis l’indépendance d’ailleurs, comme nous l’avons fait dans certains domaines. Une fois que nous aurons partagé le diagnostic et qu’on aura analysé les situations au niveau de notre pays et au niveau continental et mondial, on en tire des conclusions, à partir desquelles, nous allons élaborer, un agenda de relance de notre sport. Et surtout pouvoir dans les différentes activités sportives, choisir un certain nombre de disciplines pour lesquelles, nous avons des chances d’être parmi des meilleurs. Historiquement, au niveau du sprint, des sauts, le Sénégal a fait des choses particulièrement importantes. Cela veut dire que nous avons des potentialités dans ce domaine là. Sur le plan morphologique, nos athlètes ressemblent aux Kenyans, aux Jamaïcains. A partir du diagnostic qu’on aura fait, nous allons élaborer un véritable plan de relance au Sénégal.
Justement, le constat général aujourd’hui, c’est le Sénégal souffre d’un manque criard d’infrastructures. Sur ce plan, les populations attendent beaucoup de l’Etat, donc des autorités politiques ?
Il faut reconnaitre que c’est une faille, un manquement grave. On ne peut pas progresser en matière de sport, s’il n’y a pas d’infrastructures. Il faut élaborer une politique de construction d’infrastructures. Même si on ne peut pas le faire sur un an, il faut le faire sur cinq voire huit ans. C’est-à-dire, le temps de trouver un jeune sénégalais pour en faire un champion. Et nous avons des cadres prédestinés au sport. Ce sont les cadres militaires, paramilitaires et scolaires pour relancer le sport. A partir de là, on peut essayer de voir comment ramener le sport à l’école. Mais pour répondre plus précisément à votre question, c’est de se dire : dans les huit ans qui viennent, nous devons avoir des stades, au niveau régional, départemental et communal. Sur 600 communes, nous aurons des stades, qui nous permettront de pratiquer toutes les disciplines. C’est juste des choses qui ne sont pas particulièrement chères, mais fonctionnelles. Je suis persuadé que ce n’est pas une question de moyens, mais plutôt, une question d’organisation, de volonté politique. Notre rôle, c’est de sensibiliser l’autorité politique, donc le président de la République, pour que nous, qui aimons le sport par-dessus, puissions avoir la volonté politique et le soutien au plus haut niveau pour pallier à nos manquements, nos faiblesses et à partir de là, imaginer un plan pour sortir de là.
Pourtant, le Sénégal avait dans un passé récent l’Uassu etc. Où est ce que le ressort s’est-il cassé pour qu’on ne puisse plus avoir des El Hadji Amadou Dia Bâ et d’autres champions ?
C’est pourquoi, je vous ai dit qu’il faut faire un diagnostic. Il ne faut pas s’en tenir à une analyse superficielle des choses. Il faut une introspection. Il ne s’agit pas de situer les responsabilités, d’accuser les uns et les autres. Il s’agit de voir pourquoi, nous sommes arrivés là. Une fois qu’on le sait, quelle sera la disposition à prendre pour remplir des conditions d’une relance ? Et tout le monde doit y être associé. Cette réflexion doit être inclusive, participative. Elle doit avoir le soutien de l’Etat. Une fois que toutes ses conditions sont remplies, si on fait un plan à court, moyen et long termes, je suis persuadé que nous allons arrivés à des résultats.
Lamine Diack quitte l’IAAF, Mamadou Diagna Ndiaye, lui intègre le CIO, quelle analyse faites-vous de son élection ?
Diagna, c’est mon ami. Je pense que c’est toujours une bonne chose que le Sénégal soit représenté dans les grandes instances. Sur la base de ce que Lamine Diack a fait, Diagna Ndiaye assure la continuité pour que le Sénégal continue d’être un pays respecté, un pays qui compte dans les milieux sportifs internationaux.
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